Les célébrations à l'occasion du centenaire de l'OIV se poursuivent ce mois-ci en mettant l'accent sur la définition de l'appellation d'origine. Une résolution fondamentale est adoptée pour la première fois en 1947 et revêt aujourd'hui une pertinence toute particulière, conformément aux accords internationaux.
L'émergence de la protection des origines géographiques
Le secteur vitivinicole a été confronté à une vague de fraude au XIXème siècle, ce qui a conduit à la rédaction de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle1. Cette convention, signée initialement le 20 mars 1883 et mise à jour régulièrement, fonde le droit international de la propriété industrielle, y compris la protection des appellations d’origine2.
En 1908, lors du Congrès international pour la répression des fraudes alimentaires et pharmaceutiques, la définition du vin a été complétée par une mention relative à l’origine géographique : « A seul droit à la dénomination d’un cru, d’un pays ou d’une région le vin qui en provient exclusivement".3.
Au fil des ans, une prise de conscience générale a émergé, avec la Conférence de Paris en 1923 soulignant l’importance de la lutte contre la fraude4. La création de l’Office international du vin (OIV) en 1924 concrétise cette lutte, confiant à l’OIV la mission de définir l’appellation d’origine selon l’Arrangement du 29 novembre 19245.
La première définition
En 1947, l’OIV adopte une première définition de l’appellation d’origine : la résolution AG 1/47-ECO. Cette définition dispose qu’une appellation d’origine doit respecter les critères suivants6 :
- Être consacrée par des usages et une renommée constatée ;
- Avoir une renommée déterminée par des facteurs naturels comme le climat, la nature du sol et les cépages, permettant de délimiter une aire de production ;
- Et une renommée déterminée par des facteurs humains, tels que les méthodes de culture, de vinification et les procédés de distillation.
L’OIV adoptera également une définition pour les indications géographiques en 19797.
La consécration d'une protection internationale
Cependant, cette résolution n’est efficace que si les législations nationales l’appliquent, permettant ainsi une protection internationale8. Dès la création de l’Office, Pierre Railhac (Docteur en droit et avocat à la Cour d'appel de Montpellier ) soulignait la nécessité d’adopter des mesures de protection pour garantir les origines9.
Suite à cette définition, l’OIV a adopté diverses résolutions pour enrichir la protection des appellations d’origine. Il est essentiel que l’appellation d’origine soit considérée comme un droit de propriété10, qu’elle ne devienne pas générique et ne tombe pas dans le domaine public11. Elle doit également être protégée contre les homonymes par une définition appropriée12 et ne doit pas utiliser de mentions de délocalisation ou des mots faisant allusion à une autre appellation d’origine13.
Tout au long du XXème siècle, l’OIV respecte un des objectifs fixés par son texte fondateur : la protection des appellations d’origine14. Par la suite, les accords internationaux prennent conscience de l’importance de cette protection et adoptent des dispositions relatives aux appellations d’origine comme l’OMC15 ou l’OMPI16.
Face à ces définitions internationales reconnues par de nombreux États, l’OIV s’aligne sur cette volonté de protection internationale en mettant à jour sa définition des appellations d’origine et des indications géographiques17. En 2021, cette résolution réaffirme les critères établis en 1947, notamment en ce qui concerne les facteurs humains et naturels, la consécration par les usages et une renommée constatée, ainsi que la délimitation des aires géographiques pour les appellations d’origine, en accord avec les normes internationalement reconnues.
1 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que révisée à Bruxelles le 14 décembre 1900, à Washington le 2 juin 1911, à La Haye le 6 novembre 1925, à Londres le 2 juin 1934, à Lisbonne le 31 octobre 1958, et à Stockholm le 14 juillet 1967, et telle qu’amendée le 28 septembre 1979.
2 Article 1er 2) de la Convention de Paris du 20 mars 1883
3 Congrès international pour la répression des fraudes alimentaires et pharmaceutiques, Genève 8-12 septembre 1908, Société Universelle de la Croix Blanche de la croix blanche, Actes pp. 62-66 https://archive.org/details/b28098845
4 P. Railhac, L’Office international du vin, 1928, p.92
5 Y. Juban, L’Office international de la vigne et du vin et sa doctrine au travers de ses résolutions, Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille,1987, p.46.
6 AG 1/47 – ECO , Définition de l’appellation d’origine
7 C 8/79 - ECO, Protection des indications géographiques
8 P. Railhac, L’Office international du vin, 1928, p.92
9 P. Railhac, L’Office international du vin, 1928, p.94, 96 et 97
10 AG 3/46-ECO, Politique de la qualité du vin, de son authenticité jusqu’à sa vente au consommateur et de la protection des appellations d’origine – Notion d’appellation d’origine
11 C 8/79 - ECO, Protection des indications géographiques
12 ECO 3/99, AOR/IGR et homonymes
13 AG 7/81 – ECO, Appellation d’origine et indication de provenance : Application pratique
14 Accord portant création de l’Organisation internationale de la vigne et du vin, article 2.2.c) (ii)
15 Accord sur les aspects des droits de propriétés qui touchent au commerce (ADPIC- Annexe 1c, partie II, section 3, article 22, 1) de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce de 1994)
16 Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne, article 2 (1) (ii), 2015
17 OIV-ECO 656-2021, Mise à jour des définitions d’indication géographiques et d’appellation d’origine